Le 23 juin 1988, James Hansen, que ses détracteurs ont par la suite appelé le « pape du réchauffement climatique », sonnait le tocsin en témoignant devant le Sénat américain, fort bien relayé par les médias. Quand les planètes sont bien alignées, les choses se passent comme elles doivent se passer. Une formidable publicité allait être donnée au futur Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, l’inénarrable GIEC, dont la création venait tout juste d’être décidée par les membres du G7, lors de sa réunion au Canada, du 17 au 21 juin.
Extrait du chapitre 3 de Climat, mensonges et propagande :
James Hansen sonne le tocsin
Scientifique de la NASA, James Hansen y a fait toute sa carrière de chercheur, en intégrant dès 1967 l’un de ses laboratoires, le Goddard Institute for Space Studies (GISS). Il y étudia dans un premier temps l’atmosphère de Vénus, avant de se consacrer à celle de la Terre. En 1987, il publie sa première reconstruction de la température moyenne du globe [1], couvrant la période 1880-1985. C’est aussi cette année-là qu’il est auditionné pour la première fois devant le Sénat américain. Un Comité sur l’énergie et les ressources naturelles l’écoute présenter ses recherches à titre individuel. Dans une certaine indifférence, il explique que les rejets de gaz à effet de serre, particulièrement le dioxyde de carbone, envoyés depuis des décennies dans l’atmosphère par nos industries polluantes, ne peuvent conduire qu’à un important réchauffement global.
Il ne s’agit pas, précise Hansen, d’une vague menace, incertaine et lointaine, mais d’une réalité dont on prendra pleinement la mesure dans la décennie à venir. Ses propos, malgré leur caractère quelque peu apocalyptique, n’eurent pas de suite. Même l’affirmation selon laquelle la Terre serait plus chaude dans les vingt prochaines années que jamais depuis cent mille ans n’a pas été reprise par les médias, pourtant toujours avides de déclarations tonitruantes. Il faut dire que Hansen témoigne le 9 novembre, alors que le froid s’installe sur Washington, ce qui ne crée pas les meilleures conditions pour capter l’attention de l’auditoire sur une histoire de réchauffement. Durant l’hiver, les journaux remplissent leurs colonnes consacrées au temps qu’il fait avec les tempêtes de neige. L’une d’entre elles, terrible, fit 400 morts. Un article du New York Times du 29 mars 1988 annonce cependant que les années 1980 seront les plus chaudes jamais enregistrées depuis que l’on fait des mesures, mais il reste discrètement confiné aux pages internes du quotidien.
Depuis son article de 1981, la conviction de James Hansen s’est renforcée, ainsi que celle d’un nombre croissant de physiciens de l’atmosphère et de climatologues. Les nombreuses conférences de cette première moitié de décennie le montrent clairement. Pourtant, les politiques ignorent les faits dans leur grande majorité, de même que les médias. Il faut aider le destin, lui forcer la main même. Par chance, la météo va fournir un cadre très favorable à la prochaine audience de Hansen. Durant le printemps 1988, tandis que l’Est des États-Unis enregistre une quantité de pluie habituelle voire légèrement excédentaire, les États de la Corn Belt, vaste région agricole productrice de maïs au sud des Grands Lacs, connaissent un déficit pluviométrique important faisant craindre le retour des conditions météorologiques ayant prévalu durant le Dust Bowl des années 1930, lorsque le vent emportait la terre sèche des champs à cause d’une météo exceptionnellement chaude et sèche (mais aussi de pratiques culturales inappropriées).
Une grande partie des États-Unis a très chaud et les journaux parlent abondamment de la canicule en craignant la fournaise de l’été à venir. Les conditions sont donc propices lorsque James Hansen est entendu pour la deuxième fois devant les sénateurs, le 23 juin 1988. Cette nouvelle tentative de convaincre les dirigeants de son pays, Hansen la doit à l’un d’entre eux, le sénateur Thimothy Wirth [2], qui avait assisté à sa première prestation. Rien à voir cependant avec la profonde conviction d’un homme sensible aux problématiques environnementales. Nous sommes alors en pleine campagne présidentielle américaine et Wirth participe à celle du démocrate Michael Dukakis, face à George Bush père, notamment en tâchant de rallier à leur cause de bons orateurs, sur des thèmes typiquement étrangers aux Républicains. C’est la raison pour laquelle il s’est adressé à James Hansen.
- James Hansen au Sénat le 23 juin 1988, avec le sénateur Wirth
La météo de ce 23 juin est clairement un atout pour eux, mais ce n’est pas totalement un hasard. L’équipe du sénateur s’était en effet chargée de demander à l’antenne locale de la Météorologie la date à laquelle les températures étaient habituellement les plus hautes à Washington, pour tenter de faire coïncider au mieux la date du témoignage du climatologue. Et le 23 juin, particulièrement chaud cette année-là, s’avérait idéal pour parler de réchauffement anthropique. La hausse des températures s’invita jusque dans le Capitole : Tim Wirth y fit tout simplement ouvrir quelques fenêtres durant la nuit précédente, si bien que le système de climatisation, incapable de faire face à la vague de chaleur, rendit l’âme. Le lendemain, tandis qu’il faisait plus de 36 °C dans la capitale fédérale, des sénateurs suant écoutaient le chercheur leur annoncer que les températures n’allaient cesser d’augmenter à mesure que les années passeraient.
Les vagues de chaleur seront selon lui plus nombreuses (il prévoit un doublement de leur fréquence pour 2020), comme les autres phénomènes météorologiques extrêmes. Le réchauffement est déjà là et il n’a rien d’un phénomène naturel, Hansen peut l’affirmer avec un degré de confiance de 99 %. On se demande bien de quel chapeau Hansen peut bien tirer un tel chiffre, mais il est vrai que le sénateur Wirth souligne lors d’une interview qu’il était alors à la frontière de la science, sans préciser cependant de quel côté. Le graphique d’évolution de la température globale qu’il présenta aux sénateurs laissait d’ailleurs sérieusement à désirer sur le plan scientifique, car il montrait plus d’un siècle de températures moyennes annuelles auxquelles était accolée la moyenne des cinq mois de l’année en cours, ce qui est un manque de rigueur certain. Le procédé n’était en rien caché et même indiqué sur le graphique, mais l’effet visuel était bel et bien là : l’année en cours apparaît comme un pas de plus dans le réchauffement, et un pas de géant.
- Reconstruction de la température moyenne globale par James Hansen, présentée au Sénat
Cette fois-ci, à l’opposé de l’année précédente, le retentissement médiatique est immense et dépasse largement les seuls États-Unis. Comme une confirmation, l’été sera, cette année-là, le plus chaud jamais enregistré aux États-Unis et la chaleur y tuera entre 5 000 et 10 000 personnes, tandis que la sécheresse causera près de 40 milliards de dollars de dégâts [3]. Un retentissement médiatique opportun en cette année 1988, qui est aussi celle où la politique et les États-nations s’emparent du sujet, dont les décisions se trouvent ainsi clairement justifiées aux yeux de l’opinion mondiale.
En quelques graphiques, regardons avec le recul les prévisions de James Hansen. Mais avant, un petit retour sur ce 23 juin 1988 :
Difficile de dire que tout n’était pas parfaitement comme il fallait pour faire un tel témoignage alarmiste devant les sénateurs américains. Sur ce graphique, se focalisant sur la date du 23 juin, de 1895 à 2017, est indiqué le pourcentage de stations du réseau climatologique américain ayant enregistré une température supérieure à 35 °C (95 °F). Environ la moitié du territoire américain avait connu, ce 23 juin 1988, une température au moins égale à 35 °C. Un jour particulièrement bien choisi, donc, au sein d’une tendance pourtant à la baisse.
Confrontons maintenant les prévisions de Hansen et ce qu’il en a été jusqu’à présent de l’évolution thermique de notre chère Terre :
Le fond en noir et blanc est le travail de l’époque de James Hansen. En traits pleins gras, sa reconstruction de la température moyenne globale (qui s’arrête en 1987). Les trois autres courbes sont des prévisions à l’aide d’un modèle, selon trois scénarios.
Le scénario A est celui du business as usual, qui anticipe une augmentation continue des émissions de dioxyde de carbone.
Le scénario B envisage une hausse modérée et constante de gaz à effet de serre. _ Quant au scénario C, dont la courbe ne se détache de la précédente que vers l’année 2000, il est celui d’une baisse rapide des émissions à partir de cette date.
En rouge, la température moyenne globale obtenue par Roy Spencer et John Christy (Université d’Alabama) à partir des données satellitaires, selon la méthode qu’ils ont mise au point ensemble et pour laquelle ils ont été récompensés par la NASA et l’American Meteorological Society. Comme on peut le voir, alors même que les émissions de gaz dits à effet de serre ont augmenté dans des proportions que personne n’aurait imaginé, au-delà du scénario A, la température moyenne globale est loin des envolées redoutées par les carbocentristes. D’autant plus que cette courbe est une moyenne mobile sur 13 mois et qu’elle ne permet pas de voir la baisse de ces derniers mois. Nous en sommes, en mai 2018, d’après ces données bien plus crédibles que celle du GISS auquel appartenait Hansen, à + 0,18 °C (par rapport à la moyenne 1981-2010), soit la valeur prévue par le scénario C…
La courbe rouge en détail :
Une autre manière de voir la même chose, avec une échelle permettant d’anticiper la hausse prévue à l’horizon 2100 par les plus pessimistes carbocentristes :
Non pas une évolution naturelle des températures, puisque pour ces gens le réel ne compte guère, mais un travail scientifique sérieux portant à la connaissance de tous une évolution naturelle des températures qui met en rogne les plus activistes sauveurs de planète ou au moins de climat. Et qui le font savoir…
- John Christy examine un impact de balle sur une fenêtre du National Space Science and Technology Center de l’université d’Alabama à Huntsville. Tir ayant eu lieu à l’occasion de la Marche pour les sciences du 22 avril 2017, organisée en réaction à l’élection de Donald Trump.